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Expulsion d’un locataire : les motifs légitimes
Depuis vendredi 31 mars, la trêve hivernale a pris fin et les associations redoutent une forte hausse des expulsions à cause des impayés dans un contexte de forte inflation. Mais ce n’est pas le seul motif d’expulsion légitime d’un locataire, il en existe d’autres ainsi que différentes procédures pour se séparer d’un locataire.
Les motifs valables
Se séparer d’un locataire est une action parfaitement encadrée par la loi. L’expulsion ne peut se faire qu’en raison d’un motif valable et les manquements du locataire avérés. Par ailleurs, en tant que bailleur vous ne pouvez pas expulser vous-même le locataire, seul le juge est en droit de l’autoriser, dans le cas contraire, vous risquez 30 000 € d’amende et 3 ans de prison (article 226-4-2 du Code pénal).
On dénombre aujourd'hui de nombreux motifs permettant de se séparer d’un locataire dont voici les principaux.
- Le non paiement du loyer
- Les troubles anormaux du voisinage
- La dégradation du logement
- Les travaux sans accord du bailleur
- Le non-respect du règlement de copropriété
- L’absence d’assurance du locataire
- La sous location non déclarée
- La mauvaise destination du logement
- La pratique d’une activité illicite
- Le refus du locataire de quitter les lieux après un congé
Le non-paiement du loyer
Le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables dans les termes convenus. Cela est clairement spécifié dans la législation à l’article 7a de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 “le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables”. Et dans le cadre de la loi ALUR votée en 2014, le propriétaire peut demander jusqu’à 36 mois après le départ du locataire, les loyers et charges locatives qui n’auront pas été payés.
Les troubles anormaux du voisinage
L’article 7b de la loi du 6 juillet 1989 précédemment évoquée précise que le locataire se doit: “d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location”. Le trouble du voisinage est une notion vaste qui regroupe beaucoup de troubles variés, néanmoins ces derniers pour être recevables doivent être “continus, permanents et répétitifs”.
Les troubles de violence (comportement agressif et injurieux, insultes raciales, sexistes…), les nuisances sonores (tapage nocturne, mais pas seulement), cris, musique, aboiement de chien), la durée, la fréquence et l’intensité du bruit sont pris en considération.
Il y a aussi les nuisances olfactives, c’est-à-dire les odeurs nauséabondes persistantes (odeurs de brûlé, ordures, l’organisation de barbecue…), les nuisances visuelles, les dégradations dans les parties communes, ou encore le non-respect du règlement de la copropriété. Tous ces troubles doivent pouvoir être prouvés et attestés pour pouvoir être recevables devant le juge.
La dégradation du logement
Le locataire est tenu responsable “des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive”, sauf s’il prouve qu’il s’agit d’un cas de force majeure ou de l’intervention d’un tiers (article 7c). Le locataire doit prendre à sa charge l'entretien courant du logement.
S’il y a des détériorations importantes, le propriétaire est parfaitement en droit d’expulser la personne comme le rappelle la législation à ce sujet.
Les travaux sans accord du bailleur
Le locataire n’est pas autorisé à “transformer les locaux et équipements loués sans l'accord écrit du propriétaire” (article 7f de la loi du 6 juillet 1989). Il ne peut donc pas procéder à des travaux de son propre chef. Le propriétaire peut dans ce cas exiger son départ et la remise en état originelle du logement tel qu’il a été mis en location. Si le propriétaire conserve les modifications, le locataire ne peut pas demander de remboursement des frais qu’il a engagés.
Toutefois, le locataire peut réaliser des travaux d’esthétique et de confort qui ne transforment pas le logement. La Cour de cassation a rendu un arrêt en ce sens en 2005.
Le non-respect du règlement de copropriété
Le locataire qui habite dans une résidence est dans l’obligation de respecter le règlement de la copropriété ou le règlement intérieur. Ce règlement vient préciser les droits et obligations des locataires. En cas de non-respect visible, régulier et attesté par des preuves, le locataire peut être expulsé, c’est un motif valable. Le propriétaire est responsable des agissements du locataire, c’est à lui d’agir si le locataire trouble la jouissance paisible des locaux.
L’absence d’assurance du locataire
Le locataire est tenu “de s'assurer contre les risques dont il doit répondre en sa qualité de locataire et d'en justifier lors de la remise des clés puis chaque année” (article 7g). Comme le prévoit la législation, un locataire a l’obligation de se prémunir contre les risques locatifs (incendie, dégât des eaux…) via une assurance habitation, et il doit être capable de le justifier auprès de son bailleur chaque année via une attestation.
En tant que propriétaire vous êtes en droit de souscrire une assurance pour le compte de votre locataire si ce dernier n’a pas répondu dans le mois suivant votre courrier de mise en demeure. Vous pourrez ensuite répercuter le coût de cette assurance sur son loyer.
La sous location non déclarée
L’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 stipule que : “le locataire ne peut ni céder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec l'accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer”. La loi est donc claire quant à la pratique de la sous-location non déclarée (type Airbnb), elle n’est pas possible sans l’accord du propriétaire-bailleur. Le contrat de location peut être arrêté par le propriétaire et il peut demander le remboursement des loyers sur la période incriminée, la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt à ce sujet en 2019.
La mauvaise destination du logement
Un logement donné en location pour un usage d’habitation ne peut pas être utilisé pour un usage commercial. La personne hébergée doit respecter la destination prévue du logement tel que cela est spécifié dans le bail sous peine d’être expulsé. S’il s’agit d’un bail pour un local à usage mixte, le problème ne se pose pas. À noter aussi qu’un locataire peut domicilier son entreprise à son domicile pendant 2 ans, à condition d’en avertir le propriétaire et sans que cela n’ait d’incidence sur son contrat de location.
La pratique d’une activité illicite
L’usage de votre logement pour des pratiques illégales (trafic de drogue, prostitution, etc.) est un motif valable pour demander le renvoi de votre locataire. Les cours d’appel de Paris et d’Aix-en-Provence ont plusieurs fois statué en ce sens. La décision se fonde sur l’article 7 lié au non-respect de la jouissance paisible du bien.
Le refus du locataire de quitter les lieux après un congé
En tant que propriétaire, vous pouvez avoir besoin de vendre le logement, de le reprendre pour le louer à un proche ou pour un motif valable (en cas de faute du locataire), cela est détaillé dans l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989. Le tout est de respecter les formes (lettre de congé) et les délais de préavis pour que la procédure soit légitime. Par exemple, pour une mise en vente de logement, le préavis est de 6 mois avant la date d’échéance du bail.
Si passé les délais de préavis légaux, le locataire n’a pas quitté le logement, vous êtes en droit de demander son expulsion. Il faut faire constater par huissier l’occupation illégale des lieux puis saisir le tribunal d’instance. Le locataire est aussi condamné à payer une indemnité pour cette occupation.
Quelle est la procédure d’expulsion ?
L’expulsion d’un locataire est une activité encadrée par la législation, que le bail de location contienne des clauses résolutoires ou non.
Privilégier le dialogue
La première des choses à faire avant de vouloir vous séparer de votre locataire est d’engager le dialogue. Une procédure d’expulsion est un processus long et coûteux en énergie, mieux vaut tenter de le résoudre autrement si vous en avez la capacité. Un retard de loyer, cela peut arriver à tout le monde. Prenez le temps de contacter votre locataire avant toute mise en demeure pour voir si la situation peut être arrangée à l’amiable.
Vous pouvez aussi faire appel à un médiateur (ou conciliateur de justice) qui est un professionnel du dialogue pour faire émerger une solution. Si ni le courrier ni la médiation n’ont abouti, vous êtes obligé de passer à des mesures plus directes.
Le congé pour fin de bail
Si le bail de location arrive à échéance dans les prochains mois, c’est une occasion légitime pour se séparer d’un locataire. Pour cela vous allez devoir envoyer une lettre de congé pour fin de bail.
Selon la procédure classique, le délai de préavis est de 6 mois avant la date d'échéance du bail pour un logement nu et de 3 mois pour un logement meublé. Le préavis doit être adressé au locataire par lettre recommandée, remise en main propre contre émargement par un commissaire de justice. Il faudra en préciser le motif : vente du bien, reprise du logement pour y habiter, ou application d’un motif qualifié de "légitime et sérieux". Si le locataire conteste le motif ou refuse de quitter les lieux, vous devrez saisir le tribunal pour entamer une procédure d'expulsion, car seul le juge est apte à valider une procédure d'expulsion.
La résiliation du contrat de bail avec clause résolutoire
Lors de l’établissement du bail de location, il est important d’intégrer des clauses résolutoires. Celles-ci permettent de séparer plus rapidement d’un locataire en cas de problème. Une clause résolutoire donne le droit de résilier le bail immédiatement en cas de non-respect des obligations du locataire.
Parmi les motifs qu’on a signalés précédemment, seulement quatre d’entre eux peuvent être des clauses résolutoires (article 4 de la loi du 6 juillet 1989), il s’agit :
- du non-paiement des loyers
- de l’absence d’assurance habitation
- du défaut de paiement du dépôt de garantie
- de trouble du voisinage
Avec une clause de loyers impayés
Dans le cas de loyers impayés, vous devez envoyer au locataire un commandement à payer via un commissaire de justice précisant l’obligation de payer dans les deux mois ainsi que les montants à régler.
Si le locataire paie dans les deux mois, il peut rester dans le logement. Dans le cas contraire, en tant que propriétaire, vous devrez saisir le juge des contentieux de la protection.Celui-ci va constater que la clause résolutoire n’est pas respectée. L’effet est la résiliation du bail et l’expulsion du locataire. Un délai peut toutefois être accordé par le juge si le locataire a les moyens de régler ses impayés dans un délai imparti.
Une fois que la décision d’expulser le locataire a été validée par le juge, vous devez faire appel à un commissaire de justice qui est le seul autorisé à procéder à l’expulsion.
Les autres clauses résolutoires
Pour les autres clauses résolutoires, la première étape est d’envoyer une lettre de mise en demeure expliquant l’application de la clause résolutoire. Le locataire a ensuite un mois pour régulariser sa situation : envoyer le versement du dépôt de garantie, prendre une assurance d’habitation, faire cesser le trouble du voisinage.
Pour ce qui est du versement du dépôt de garantie, après un mois, vous pouvez envoyer un commandement de payer transmis par un commissaire de justice (anciennement acte d’huissier). Idem pour l’absence d’assurance habitation, vous devrez envoyer un commandement de souscrire à une assurance. Et si les troubles du voisinage se maintiennent, il faudra envoyer un commandement à quitter les lieux aussi via un commissaire de justice.
Si ces commandements ne sont pas suivis d’effets, vous pouvez saisir le juge des contentieux de la protection pour constater que le bail n’est pas respecté, ce qui aura pour effet de lancer la procédure d’expulsion du locataire de votre logement.
La résiliation du contrat de bail sans clause résolutoire
En l’absence de clause résolutoire dans le contrat de location, rien ne vous empêche d’entamer aussi une procédure d’expulsion. Celle-ci est simplement plus longue, puisqu’elle ne peut être décidée que par le juge (résiliation judiciaire) et se base sur l’article 1227 du Code civil.
Dans un premier temps, vous devez envoyer une lettre de mise en demeure demandant au locataire de respecter les engagements de son bail.
S’il ne le fait pas, vous devez charger un commissaire de justice d’assigner le locataire devant le tribunal. C’est au juge des contentieux de la protection de déterminer s’il y a lieu de résilier le bail, c’est-à-dire si la faute est suffisamment grave pour justifier l'expulsion du locataire. En fonction de la situation financière de la personne (le locataire), le juge peut accorder un délai pour que la dette soit payée (ou la situation réglée).
Une fois la décision d’expulsion du locataire décidée par le juge, le propriétaire doit charger un commissaire de justice d’apporter un commandement de quitter les lieux au locataire. Ce dernier a ensuite 2 mois pour partir du logement à réception du document. Selon la situation du locataire (âge, ressources, santé…), le juge peut accorder un délai supplémentaire de 3 mois à 3 ans pour quitter les lieux. L’expulsion ne peut non plus se faire durant la trêve hivernale, du 1er novembre au 31 mars inclus de l’année qui suit.
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